J’ai travaillé une année durant sur une proposition de réhabilitation de l’ancien centre de tri postal d’Avignon en un centre d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale par le logement, ainsi qu’en un espace associatif.
Sur la base de travaux réalisés par l’université foraine , programme de recherche action mené par l’agence Construire et le PEROU , j’ai continué mes recherches dans le but de proposer une alternative organisationnelle mais surtout une réponse architecturale pour que ce bâtiment puisse de nouveau servir et retrouver une place utile et belle dans la cité.
Travail mené :
Analyse des lieux, analyse des structures sociales existantes, recherches en sociologie du sans-abrisme, rencontre avec des personnes sans abri de la ville d’Avignon, résidences sur site avec les associations déjà présentes, écriture d’un mémoire de recherche, recherches en plans et maquettes pour le projet de réhabilitation architecturale, recherches structurelles, philosophiques et sensibles. Élaboration de plans et outils de représentation de projet entièrement à la main, coordination d’une équipe de plus jeunes étudiants pour aboutir à la présentation devant le jury de diplôme de l’INSA de Strasbourg. J’ai également présenté ce projet devant le jury de l’académie d’architecture de Paris, et obtenu le prix Meyer-Lévy des meilleurs diplômes des France de l’année 2015.
Si ce projet vous intéresse, je vous propose de lire ce texte qui le présente plus en détail :
Il est de ces lieux d’existence qui brillent sous les projecteurs. Avignon, ville papale, splendeur architecturale, ville mirage.
Mais il est aussi de ces lieux d’existence que l’on ne voit pas. Un monde à part, celui de la rue. Violente, touchante, bouleversante, joyeuse, en colère, vraie, sensible, dure, crue.
À 9h du matin, ils sont assis avenue de la république, ou face des banques, à côté du supermarché. Certaines viennent de Nimes, « on fait plus d’argent dans les rues d’Avignon ». D’autres s’assoient pour faire passer le temps. On entend : « Il faut bien être quelquepart, alors on est là ». ou encore « les gens sont méchants, ils me marcheraient dessus s’ils le pouvaient ». hors de ce monde, il y a obligation morale de ne pas écraser un homme, mais négligence générale vis à vis de cet être humain assis à terre.
Qui d’entre nous, spécialistes de la construction, de l’abri, de la maison, n’a jamais croisé un être en errance, rebut humain de notre société, sans « abri » ?
Ces hommes ces femmes qui habitent la ville mais que nous nous refusons de voir, sont les témoins d’un mal actuel commun, urbain, un mal d’être en société. Plongeant dans le monde de la rue, c’est une autre humanité que l’on découvre, ce sont d’autres manières de voir le monde et la ville que l’on explore, c’est tout à coup percevoir les réalités diverses de milliers d’hommes et de femmes en quête d’existence et d’identité.
Parmi la liste des urgences de notre actualité, il en est une sur laquelle j’ai travaillé qui est celle de l’hospitalité. Au milieu de nos hostilités urbaines, il est primordial aujourd’hui de retrouver ce qui fait d’un lieu une ville, la convivialité de nos rapports en société, la convivialité de notre architecture.
CASA – LE TRI PORTEUR
Dans la panoplie des systèmes d’aide présentes à Avignon, un lieu existe :
CASA s’est formée en 2000 par un groupe de sdf revendiquant un droit de parole et d’écoute dans les structure sociales et d’insertion institutionnalisées. Cette association aborde l’accompagnement social de personnes fragilisées en partant de la nécessaire autonomie des bénéficiaires considérés comme acteurs de leur devenir, et de la puissance d’invention de leur parole, dans un objectif débordant largement l’aide sociale en matière de logement. Son accueil est basé sur l’inconditionnalité, ce qui la démarque de toute institution sociale courante. CASA se définit comme un mouvement citoyen.
L’association a développé son activité d’accueil autour de quatre pôles essentiels : la villa medicis un CHRS de 24 personnes(centre d’hébergement et de réinsertion sociale) et de l’habitat de réinsertion dans le diffus , l’espèce d’espace, lieu d’accompagnement des personnes accueillies et accueil d’urgence de nuit, et la médiation de rue, auprès des commerçants comme des personnes exclues.
CASA a rejoint l’association basée à Marseille HAS , habitat alternatif social, devenant ainsi le pole Vaucluse de l’association. HAS CASA veut encrer son activité dans la cité et s’ouvrir pour devenir un lieu de haute citoyenneté et de culture. Pour cela L’association du TRI PORTEUR a vu le jour cette année afin de coordonner les différents acteurs engagés dans ce projet en devenir.
Quel est ce lieu dans la géographie ?
HAS -Casa se situe à Avignon, ville du bassin méditerranéen. L’ histoire de cette ville est marquée par la construction de la cité papale fortifiée au XII e siècle, jusqu’à son apogée au XIV e siècle.
Puis la ville s’est étendue au delà des murs au sud et à l’est. Le Rhône, frontière régionale naturelle borde la ville au nord et à l’ouest.
Le climat méditerranéen y est doux et sec, malgré une exposition importante aux vents dominants comme le mistral, vent du nord.
Quel est ce lieu dans la ville ?
CASA occupe aujourd’hui la cour de l’ancien tri postal d’Avignon. Situé dans la frange entre les remparts et les voies de chemin de fer, le tri postal se trouve au milieu d’un noeud urbain, un lieu de tension entre l’intra et l’extra muros. La transition actuelle entre le centre et les périphéries est brutale et passe par ce no man’s land, territoire des circulations routières, hôtels, entreprises et espaces indéfinis.
Quel est ce lieu dans son voisinage ?
Le tri postal a pour voisins le grand hôtel au nord, et le novotel à l’ouest, . À l’est un parking du personnel de la sncf, au sud les voies et quais de la gare centre. La rue du blanchissage qui longe le tri relie le boulevard des remparts au quartier Monclar très habité, au sud des voies ferrées en passant sous ces dernières.
Le Tri postal est un bâtiment témoin d’une époque architecturale connue : le mouvement moderne. Ce bâtiment construit en 1968 est d’une volumétrie pure et imposante. La composition de ses façades s’inscrit dans la méthode des tracés régulateurs et de rapports de proportions rigoureuses.
Le bâtiment est composé d’une structure porteuse en poteaux et poutres de béton en très bon état libérant trois grands plateaux de 48 par 17m50 plus ou moins cloisonnés en fonction des usages d’origine. Les grandes bandeaux de fenêtres font rentrer la lumière dans ces salles de manière homogène. Le bâtiment ne contient pas d’amiante, est globalement en bon état. Il est cependant mal isolé thermiquement et acoustiquement. On observe quelques fuites localement au 1er et 2e étage. Les menuiseries des fenêtres oscillo-battantes ne sont plus toutes en état de fonctionnement.
Un quai de déchargement au rez de chaussée de hauteur 60Cm créé un décalage entre la grande salle du bas et la cour. L’intégralité des façades est recouverte de carrelage jaune en bon état. Cette peau singulière sur ce volume fort participe de l’identité du bâtiment. trois auvents terminent la composition, au nord au sud et à l’est. des espaces aux forts potentiels mais aujourd’hui non adaptés au moindre confort sommaire.
La cour, grand espace accueillant déjà aujourd’hui la diversité des possibles chaque jour. Son orientation au nord en fait un endroit frais appréciable en été. La frange nord reste cependant la frange la plus investie par l’association et ses habitants un potager, une terrasse et cuisine d’été, ainsi que la cabane du projet y on été construits petit à petit.
HAS -CASA , lieu d’accueil des oubliés, s’est installé en 2003 dans cette cour comme un refuge urbain fait d’algécos caché en seconde ligne des grands boulevards. Petit à petit la cour est habitée. La cabane du projet est sortie de terre, un jardin hors sol et une cuisine d’été également.
À l’urgence morale d’accueillir les personnes en situation de grande précarité se couple l’histoire d’un lieu oublié, l’ancien tri postal.
J’ai décidé d’accompagner HAS -CASA dans leur désir de reconquérir ce bâtiment, afin d’en faire un lieu d’hospitalité.
Qu’est ce que l’hospitalité ? je le définis en trois points essentiels qui guideront mon intervention :
ACCUEILLIR l’autre, le différent, le petit, le grand, sans condition, dans la diversité. Le SOL est le lieu de cette ouverture à l’autre.
SECOURIR par l’action et le partage des expériences et non uniquement les démarches administratives. S’élever du sol dans un espace temps hors du monde et dans le monde.
HABITER se reconstruire, exister, exprimer son identité. Se situer dans son environnement, un cocon intime en relation exclusive avec le ciel et la liberté du grand paysage..
Je choisis de superposer cette démarche d’hospitalité sur les trois niveaux de la parcelle du tripostal . Chaque niveau correspondant à un rapport au sol, au vide et au ciel différent.
En contrepoint du volume pur, brutal et immobile du tri postal je vient monter un volume plus petit à l’expression légère et mobile. Il se situe en balance de ces masses monumentales qui cernent la cour, signe de diversité, d’altérité. Ce volume incarne les contrastes des comportements, la complémentarité des atmosphères, l’alternative disponible. Son orientation et son emplacement permettent de bénéficier d’un maximum de soleil en hiver sur la frange nord de la cour, elle-même plongée dans l’ombre et de dessiner un vide, l’espace de la cour qui devient un entre deux habité.
LA DEMANDE
Depuis janvier 2014 HAS -CASA s’active pour transformer ses rêves en actes publics, politiques. Aidée des structures NAC et PEROU , l’association rassemble chaque mois l’assemblée des rêveurs, chaque semaine des comités de programmation architecturale et d’activation événementielle, deux jours par mois la ville entière lors des journées du tri possible, temps forts et festifs.
Petit à petit grâce aux études de programmation réalisées au plus proche des futurs utilisateurs de ce lieu, une commande est née pour la transformation du tri postal. Cette commande se répartit en grandes familles :
les fonctions d’accueil : seuil d’entrée – cour – accueil-buvette- Accueil de nuit (douches dortoirs) - atelier cuisine – atelier technique – chaufferie - sanitaires
fonctions de SECOURS grande salle de travail incluant bureaux partagés, grand plateau libre, espace de stockage– infirmerie – saunas – jardin d’hiver
fonctions d’habitat - hébergements, espaces communs, douches et sanitaires
La force des rencontres et d’une mixité sociale réussie chez Has-CASA tient du fait que la ville est invitée pour une activité par les personnes en situation précaires et dans leur lieu de vie. Cette dimension doit perdurer et guider la stratégie de projet dès aujourd’hui. Je propose de créer un chantier ouvert Habité, lieu d’apprentissage et lieu de vie, un chez soi à forte identité qui invite le public large plutôt qu’un lieu public qui accepte et invite les personnes en marge sociale (schéma des autres institutions)
« Nous voici réunis afin de créer un centre ville habité en premier lieu par celles et ceux qui, aujourd’hui n’ont pas le droit de cité et qui l’habitent d’une manière telle que l’ensemble des avignonnais peut ici se retrouver chez soi. C’est à notre sens la condition même d’un travail social remarquable, efficace, d’une inclusion réussie : en renversant les polarités, en faisant d’un lieu qui ne sert à rien un lieu qui sert à tout et à tous, en créant avec ceux que la ville refoule un lieu où la ville entière est la bienvenue. » Renaud Dramais, directeur HAS CASA
Pour cela je propose un phasage qui corresponde à une stratégie de transformation du tri postal et de sa cour pour en faire un véritable lieu de vie en mouvement.
phase 1 : abriter pour travailler ensemble.
Je soulève les jardins et dégage un volume enveloppé qui abrite le lieu de vie de chantier. C’est le rôle de la cabane du tri actuellement. Il est important de pouvoir se rassembler autour d’une table pour communiquer, s’organiser, boire un thé ou un café. La première phase d’occupation consiste à créer un espace de réunion, une buvette avec sanitaire tout en maintenant un jardin hors sol cultivé et le profit de l’ensoleillement du nord de la cour
Phase 2 : je construis à l’intérieur de ce volume les alcôves de repos servant le soir à l’accueil de nuit et une zone de douches. L’accueil de nuit peut déménager des algécos et laisser place aux résidents HAS -CASA actuellement dans le diffus. On ré-habite la cour du tri.
Phase 3 : j’entame les travaux de gros œuvre préalables dans le bâtiment existant ainsi que la cuisine et l’atelier technique du préau. Les 2 algécos de cuisine actuels peuvent être remplacés par les hébergements ou bien être évacués.
Phase 4 : tous les éléments essentiels de lieu de vie étant en place et les habitants présents, le chantier des logements au deuxième étage peut commencer. Il peut être envisagé comme chantier école culturel et ouvert, un moment dans la vie du tri particulier, éloge de l’acte de construire ensemble un lieu commun. Les associations continuent comme aujourd’hui d’occuper informellement le premier étage ou peuvent investir l’abri de chantier.
Phase 5 : une fois les logements terminés, les résidents emménagent. Les algécos sont évacués de la cour.
Phase 6 : l’extension vit une phase d’agrandissement. La cabane est déconstruite et la structure portique s’étend jusqu’à la rue. Elle abrite plus d’espaces de repos, un deuxième espace de douches ainsi qu’une laverie au rez de chaussée.
Phase 7 : Les habitants aménagent ensuite le 1er étage pour offrir un lieu d’activité et de travail aux associations, bénévoles et autres activités des résidents et de la ville entière. Une passerelle remplace le auvent du fond de la cour reliant le corps principal à l’extension sur laquelle sont construit l’infirmerie et le sauna.
Phase 8 : la cour est remodelée avec et par l’ensemble des utilisateurs du lieu.
ACCUEILLIR
Que devient ce nouveau lieu du tri postal ?
Au niveau du sol, de la rue le travail se porte sur les seuils et les transitions. À la séquence de rue bruyante suit une séquence de pause calme et abritée, puis de nouveau un espace d’activité plus mouvementée. Le vide est contenu par un volume poreux et une façade lisse.
Le premier aperçu du tri est un signal d’occupation et de vie. Le coin du pignon ouest fait appel depuis le boulevard des remparts. La porte en fer fermée sans seuil de l’espèce d’espace s’ouvre, la circulation principale basculée en façade devient l’artère visible du tri postal utile.
À cet appel succède une entrée plus ou moins perméable selon les besoins. Des portes inégales et glanées, usées, se ferment et s’ouvrent vers un extérieur d’une autre nature.
À l’extérieur hostile de la rue et des boulevards succède un temps de pause, un souffle sous un portique végétal. Espace de transition entre le dehors de la rue et un dedans extérieur, ce seuil végétal incite au calme et au repos sous un ombrage parsemé et clair d’arbres plantés. Il conduit ensuite à la cour, espace d’expression extérieur à l’enveloppe bâtie en profondeur. La buvette en avancée sur la cour est le lieu d’accueil. Du mobilier se déploie sous les arbres du printemps à l’automne et se replie à l’intérieur de l’abri en hiver.
L’extension abri est une structure de bois en portique. Les fonctions de l’accueil de nuit essentielles sont regroupées au centre (dortoir buvette), les fonctions mutualisées avec le reste des usages du tri postal sont en périphérie.
La façade sud épaisse abrite un jardin cultivé vertical, terrain d’apprentissage, de prise de soleil, et filtre lumineux pour l’espace intérieur. Un élément ressort de cette étagère du vivant : la buvette accueil, sur la cour.
Derrière ce filtre l’espace commun foyer de parole se déploie sous les niches perchées des espaces de repos bibliothèque, en seconde vue sur la cour. Des banquettes forment un espace de lecture et d’écriture qui à partir de 20h peut se cloisonner simplement et former une enfilade d’alcôves offrant une couchette et des vues pour les accueillis de l’accueil de nuit. Une coursive d’accès dessert les douches de part et d’autre de la structure.
La cour actuellement en pente vers le bâtiment est remise au niveau du sol intérieur. En face, ce sol se prolonge sous un préau généreux via la façade actuelle en grandes portes sectionnelles qui permet une perméabilité et une fluidité entre le dedans et le dehors dès aujourd’hui notable lorsqu’elles sont ouvertes.
La qualité majeure du bâtiment du tri postal est due à son système constructif qui libère trois grands plateaux et volumes simples. Je propose d’amplifier ces potentiels en enlevant les noyaux existants de circulations ainsi que toues les cloisons et en les repositionnant sur les côtés , pour ainsi libérer un grand espace central dans lequel les programmes dialoguent, se jouxtent et se mélangent. Ainsi au rez de cour d’un côté l’atelier du tri, bricothèque, stockage de matériaux, outils de bricolage qui se déploie dans le préau ou dans la cour au gré des ateliers et des besoins.
De l’autre côté la cantine solidaire, atelier culinaire qui rassemble tous les jours à ses tables les habitants et ceux qui le souhaitent. L’espace est laissé brut, le sol est sombre et porte l’usure du temps, les trappes d’origine restent en place, ainsi que les vieilles portes sectionnelles en état de service. Seule la cuisine est un espace chauffé.
Le rez-de-cour bute au sud contre le mur de soutènement des voies de chemin de fer. La grande salle est sombre et peu éclairée du nord sous le auvent. Je propose de réaliser une trémie sur toute la longueur du bâtiment d’une largeur de 2m, permettant un apport de lumière et de soleil zénithal, une mise en relation fine entre les étages et une ventilation naturelle de l’ensemble du bâtiment.
L’ascension principale aux étages débute en extérieur à l’interface entre les arbres, la cour et l’entrée du rez de chaussée. Cette prise de hauteur met en relation l’usage intérieur et les activités extérieures et propose un parcours aérien entre les différentes strates végétales. D’un rapport au sol, niveau de l’accueillir, on passe à un rapport au vide contenu, niveau de la mission secourir.
SECOURIR
La vision du travail social portée par CASA s’incarne dans l’accompagnement des personnes accueillies. CASA est un tremplin de vie, un moment de reconquête personnelle, de prise de confiance, de reconstruction de soi. Le travail social de bureau aujourd’hui très administratif est appelé par cette association à s’ouvrir sur un vrai travail d’accompagnement créatif de qualité qui mette en relation les hommes, et produise une horizontalité des rapports sociaux entre tout être humain.
Ce travail prend plusieurs formes. La diversité des individus, des groupes, de leurs parcours et nécessités induit une pluralité des propositions spatiales dans lesquelles chacun puisse se sentir à l’aise. Le grand plateau du premier étage abrite ainsi un espace d’activités partagé, tant des bureaux en alcôves que d’activités de groupe dans un espace dégagé.
En complémentarité de ce grand espace unique commun, le jardin cultivé hors sol de l’autre côté de la cour, l’infirmerie et le sauna sont des espaces de travail des plantes et des corps plus secrets, en retrait de l’activité commune, dans l’intimité personnelle.
Sur l’espace de groupe :
je met en place un retrait des façades en intérieur, créant ainsi deux loggias de part et d’autre d’un espace central. La loggia au sud permet une mise à distance du soleil fort d’Avignon, un apport de lumière au préau du rez de chaussée ainsi qu’un retrait par rapport aux nuisances sonores des quais et de la gare. La loggia nord est elle d’une toute autre nature puisqu’elle est en relation directe avec le voisinage et le point névralgique du tri qu’est la cour et ce vide. CROQUIS Elle est également une circulation extérieure menant à la passerelle et à l’extension ainsi qu’aux logements. De l’extérieur, elle apporte une profondeur à la façade qui affirme la composition en bandeaux tout en apportant une porosité dans la monumentalité du bâtiment.
Il me paraît important de comprendre la philosophie des actions d’HAS CASA pour proposer une spatialité adaptée. HAS CASA a une richesse d’invention, de créativité et de spontanéité au service d’activités toujours ouvertes à tous, dans un intérêt collectif. La proximité des activités produit des accidents heureux et imprévus d’interaction entre elles. HAS CASA se positionne au sortir des normes et des habitudes, au sortir des conventions et des comportements physiques, sociaux.
Je propose donc un outils spatial sous la forme d’une installation légère centrée sur un grand plateaux libre, un support de jeux qui permet de pratiquer tant l’horizontalité que la verticalité. Cette structure en bois régulière de 1m50 de large et facilement transformable accueille hauteurs de tables, assises, étagères, casiers, coursives, balcons, alcôves de lecture, espace de parole, espace de réunion, etc... et est posée sur un plancher technique d’une épaisseur de 30cm permettant une isolation thermique de l’espace et un rehaussement du sol par rapport aux allèges fixes actuellement à 1m30 du bandeau de fenêtre au sud et au nord.
Assumer la porosité des activités c’est désectoriser le travail social. Nous ne parlons plus de bureaux et de plateau créatif séparés mais d’un outil spatial qui fabrique un lieu et qui offre des possibles à réinventer à chaque instant.
la mise en œuvre en bois et son système constructif simple permet d’adapter la scénographie à des usages particuliers selon les périodes de l’année par tout bricoleur. Les sections fines permises par une trame serrée permettent l’utilisation de bois de récupération et un entretient simple. Pour pouvoir jouer de toute la hauteur sous plafond une partie mobile permet d’accéder par des escaliers à une coursive intermédiaire et participe si les besoins le demandent à une partition possible de l’espace central pour recréer d’autres modèles spatiaux. La lumière naturelle est complétée d’ampoules suspendues du plafond aux emplacement des crochets du convoyeur de sacs encore en place. Les densités inégales de luminosité créent dans cet espace uniforme des zones particulières guidant les usages.
Les parcours entre l’extension et tri postal mettent en scène un vide habité central. Le jardin accueille lui des cultures sauvages hors sol, mélange de plantes comestibles, fleurs, et autres espèces. La complémentarité des plantes est à l’image de la complémentarité des êtres humains. Ce jardin est l’espace de retraite, de jeux de visible/invisible, lumière et ombre. On peut retrouver de temps à autres une table, une banquette, quelques chaises et un nouvel espace d’accompagnement ou de travail prend forme dans les feuillages. Un autre rapport à la nature et au vivant peut se trouver ici, éloge à la lenteur. L’infirmerie trouve sa place tout au bout de ce parcours, comme un laboratoire scientifique de soin du vivant. Et si le jardinier était l’infirmier ?
L’accès au sauna en discrétion derrière l’établi de jardin est un escalier mince. Le sauna fait guise de lanterne et surplombe la cour. Il est l’espace de la nudité, le lieu le plus intime. Cette lanterne est visible depuis la place de la gare centre. On entre dans le sauna comme on entre dans un arbre. Des bardeaux de bois mince à la découpe irrégulière tapissent les murs et plafond qui ne forment qu’une unique enveloppe qui s’ouvre de temps à autres sur une ouverture dégageant des vues sur le ciel.
HABITER
Le triporteur a pour intention de pouvoir accueillir dans ses logements des publics divers. 19 personnes en réinsertion sociale, des artistes en résidence, des chambres pour étudiants qui désirent s’investir dans la vie du lieu, ou encore des chambres d’hôte. Il n’y a pas de distinction de confort particulier en fonction des types de publics. Tout le monde est logé à la même enseigne.
L’étage des logements tire parti de la trame structurelle du bâtiment existant et amplifiant sa perception par son organisation spatiale tramée. Une circulation centrale dessert des chambres individuelles sur deux hauteurs regroupées en unité de voisinage de 6 chambres autours d’un salon, créant des dilatations dans la circulation ainsi que différents espaces communs différenciés en fonctions des habitants.
Les escaliers d’accès aux chambres hautes rythment la circulation principale et permettent à la lumière naturelle d’entrer en faille au cœur de celle-ci. Aux deux extrémités des habitations on retrouve les accès , une entrée en double hauteur sas d’expression et un pôle soin exposé au sud. Les douches sont situées sous une mezzanine occupée de plantes en pots, sous la lumière zénithale. La mise en scène des plantes marque les espaces en retrait, cocons intimes dans l’espace public.
La structure des logements en bois est constituée de poteaux à section rectangulaire fixées au sol et aux poutres de béton de l’existant et de poutres moisées. Les parois entre logements en structure bois sont doublées et isolées pour un confort thermique et acoustique de qualité. Leur mise en oeuvre simple est adaptée au type de chantier école en autoconstruction. Les finitions sont laissées brutes dans mon dessin, mais les supports sont appropriables par les habitants. Les panneaux restent apparents et les motifs des planchers varient d’un logement à l’autre suivant l’improvisation lors de leur mise en œuvre.
Les loggias au sud et au nord ne sont pas des coursives de circulation comme au 1er étage mais des terrasses privées pour chaque logement ou salon commun. La double hauteur et l’ouverture zénithale offre à chaque logement une ouverture sur l’extérieur et une lumière sud ou nord d’en haut.
À l’intérieur des logements l’aménagement est minime. Le mobilier se contente d’un lit, d’une étagère, d’une table et chaise et d’un petit lavabo. Il n’y a pas de mobilier de cuisine, la cantine du préau étant le foyer de la maison, le lieu convivial du repas pour les habitants. Ces habitants sont investis dans la gestion du lieu, des services de cantine, de jardinage, de ménage, de bricolage ou d’accueil sont mis en place et font parti de l’accompagnement des résidents, de leur quotidien. Ces services peuvent aussi être dans le cadre d’une formation particulière professionnalisante type VAE .
Enfin l’accès au toit marque la prise d’occupation du tri postal. Ce toit offre un point de vue magnifique sur la ville, le palais des papes, les grands platanes des hôtels particuliers, la halle de la gare, et surtout le grand paysage, le mont Ventoux et les Alpilles. Le toit est un observatoire. Le percement de la dalle pour les loggias créé une mise à distance du bord de la façade et un effet d’île.
Un aménagement simple de plantes graminées locales ou jardin sec sur gravier adaptées au climat chaud et sec vient recouvrir la toiture pour former un champ qui ondule au vent. De nouveau le végétal est une présence douce et silencieuse qui nous rappelle avec fragilité la valeur la vie.